Gutsofdarkness

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Au rayon des albums qui semblent totalement dénués d'intérêt et qui s'avèrent être de véritables surprises, ce “Green Isac Orchestra” du duo Norvégien Green Isac doit certainement figurer en tête de liste. Flanqué de 3 musiciens invités; Jo Wang aux claviers, Frode Larsen aux percussions et Tov Ramstad au violoncelle, au ukulele, à la scie et à la basse, Morten Lund and Andreas Eriksen donnent ainsi plus de profondeur, plus de richesse et ainsi plus d'horizons sans frontières à une approche clanique toujours imbibée par la poésie Scandinave des influences d'Erik Wollo. D'ailleurs il y a un savoureux mélange entre les influences de Robert Fripp, Markus Reuter et Erik Wollo sur “Green Isac Orchestra” dont les principaux attraits restent néanmoins un solide jeu des percussions manuelles et ces éléments soniques disparates qui délient des ambiances toujours aux portes de l'inattendu. La séduction débute avec ces vaguelettes d'accords qui ruissèlent en suspension et qui sont figées dans une approche très Jerome Froese, The Speed of Snow, de "Emmesity". L'Électronica éthéré, nourrie d'éléments soniques transitoires genre très psychédélique (on dirait un cheval et ses sabots qui hésite à marcher), se transforme en un rythme tribal légèrement entraînant où les percussions claniques d'Andreas Eriksen tambourinent un rythme sec mais doux, et surtout très envoûtant. Les effets électroniques et la guitare, toujours très secrète et intuitive, et ses riffs en boucles assument la portion harmonie alors que Tov Ramstad ajoute une profondeur mélancolique avec les larmes de son violoncelle. Le duel piano et guitare électriques entre Jo Wang et Morten Lund enracine cette perception qu'Erik Wollo appose sa griffe inspirante sur la musique de Green Isac et les clochettes, dont les tintements résonnent entre deux phases de rythmes et d'harmonies, stigmatisent ces doux parfums néo folk ambiant de Sensitive Chaos. La basse fait très Patrick O'Hearn! Vivant et très harmonique, "Emmesity" met la table à un très bon 40 minutes de musique qui n'a toujours pas de frontières. Avec des brises sombres, des accords d'une guitare qui élastifie sa tristesse dans ses effets de réverbérations de même que ses larmes, l'introduction ambiante de "Thón" nous amène à un niveau sonique très diversifié où tout ce qui traînait dans les granges pouvait servir d'instruments de musique. Le rythme est délicat et les approches très vampiriques de la guitare, de même que ses effets de réverbérations ambiantes, font de ce titre un genre de blues morphique imprégné des errances de Robert Fripp. Les percussions nerveuses qui ouvrent "Algebra" sont arrêtées sec par un piano délicat qui cimentera sa mélodie minimaliste dans tous ses changements de directions rythmiques. De blues tribal qui se fond dans une lascive danse éthérée, le piano forge son ver-d'oreille qui fait oublier le travail titanesque des percussions sur ce titre qui accroche autant que "Emmesity". "Dr. One" n'est pas en reste. Son introduction ambiante est forgée dans le mysticisme des nuits d'Afrique du Nord avec des tonalités crotales et organiques qui semblent errer sous une lune froide. Peu à peu ces ambiances se libèrent du carcan de la nébulosité afin d'offrir un autre bon down-tempo clanique avec le violoncelle, la guitare, la scie et les effets électroniques, qui sculptent de longs lassos soniques gutturaux, dont le maillage offre une belle enveloppe d'ambiances et d'harmonies à des percussions qui se font de plus en plus incisives. "Hapi" propose une approche plus ambiante avec ses riffs de guitare qui roulent en boucles minimalistes tout au long de ses 386 secondes. Les larmes de guitare, de violoncelle et de scie tissent un créatif nuage de mélancolie, alors que les percussions qui tombent à l'orée des 5 minutes forcent un rythme lent qui est bien appuyé par une basse ronflante. Ça reste toujours ambiant alors que "Madar" plonge dans une approche tribale du Moyen Orient avec de bonnes percussions, un clavier qui stigmatise sa mélodie minimaliste entre nos deux hémisphères ainsi qu'un ingénieux duel entre la guitare et ses effets qui luttent avec un violoncelle très aigu. "57 Varieties" conclut ce 6ième album de Green Isac avec une guitare et un violon qui offrent un duel harmonique tissé dans des accords et des riffs saccadés. Les percussions, de même que ses trésors cachés, et la basse structurent un rythme soutenu alors que des effets de guitares et les escapades du violon transforment l'approche de staccato en une forme plus mélodieuse. Même si nous sommes toujours très loin de la Berlin School, la musique de “Green Isac Orchestra” reste très rafraîchissante. Les effets électroniques sont très nuancées par une guitare et cette scie dont les effets et les harmonies plaintives se confondent aisément à de tortueuses couches de synthé ou encore à des solos qui se perdent dans la nuit. Tout est histoire de perception ici! Ceux qui aiment le néo folk et le tribal ambiant vont dévorer cet album des oreilles. Un délicieux album que je situerais entre Sensitive Chaos et Erik Wollo; deux artistes qui possèdent ce don de sortir des mélodies mangeuses de tympans à travers un beau décor sonique crée dans une imagination sans limites, ni frontières.

note       Publiée le samedi 9 janvier 2016